Comme bon nombre de problématiques psychologiques, les projecteurs sont souvent orientés vers la personne alcoolique, occultant les effets collatéraux sur l’entourage proche et notamment le/la conjoint(e). Nous appréhendons dans cet article ce trouble au travers de l’aidant, en identifiant les facteurs de résistance et de dépendance qui le conduisent à tolérer la situation pour progressivement se résigner et s’effacer face à la pathologie.

L’alcoolisme constitue une maladie et un trouble qui progressivement dévore non seulement l’individu mais également le couple et les enfants. Il instaure un mode déséquilibré, où le souffrant devient imposant et le conjoint « condamné » à être empathique, dans l’espoir étouffé d’une guérison. Commence alors une guerre d’usure pour la survie (du couple et de la famille). En effet, telle une maîtresse ou un amant, l’alcool devient obsédant, omniprésent, recherché par le premier et subi par le deuxième, teinté de reproches et de culpabilité. Souvent confronté au déni de la personne alcoolique (minimisation de la gravité, occultation des faits, évitement de la communication…comme symptômes de la maladie), le conjoint s’isole progressivement de ses proches. A mesure que l’alcool prend de la place au sein du couple et de la famille, on abandonne son rôle de partenaire amoureux et désirant pour endosser celui d’aidant. La fonction devient alors davantage médico-sociale qu’affective. Exister pour soi devient difficile, au risque de ne plus s’identifier qu’au travers de la maladie de l’Autre.

En outre, le cercle social se réduit, par gêne ou volonté de maintenir une image sociale désirable. L’alcoolisme devient un problème que l’on souhaite maintenir privé. Le déséquilibre s’enracine alors encore davantage : le souffrant bénéficie du soutien de l’aidant, tandis que l’aidant se voit privé de relais ou de support pourtant nécessaires. Cette spirale maintient un système toxique et hermétique sous un apparent mais très précaire équilibre.

Cet article n’est pas à comprendre comme un réquisitoire à l’encontre de la personne alcoolique ni même un plaidoyer en l’unique faveur du conjoint mais davantage comme un éclairage systémique et global sur les risques indirects encourus. L’exposition chronique à des conduites alcooliques fragilise l’aidant. La probabilité d’apparition d’un état dépressif augmente à mesure qu’accroit le sentiment d’impuissance. Notons également que l’apprentissage indirect de la conduite alcoolique chez le conjoint ou les adolescents, par simple observation, peut constituer un facteur précipitant pour connaître à son tour l’alcoolisme.

Aussi, si le souffrant alcoolique ne parvient ou se refuse à prendre conscience de son état, il revient principalement au conjoint de conscientiser qu’il encoure lui-même un risque réel de sombrer, par porosité émotionnelle. On fige ainsi les rôles de chacun autour de la dynamique souffrant/soignant, en s’écartant toujours plus des fondamentaux du couple et de la famille. Il importe donc d’envisager un véritable changement de cadre afin de rompre cette spirale aversive.

Dans le cadre de notre pratique, nous apportons notre regard et soutien dans cette dynamique de changement pour le conjoint et la famille et aidons ainsi à rompre le poids du silence.