Burn-out ou épuisement professionnel : un problème d’usure psychologique, d’abord !

Didier DESONNAY et Mylène FORTE, vous êtes Docteurs en Psychologie et votre société CRI-PTOS est  spécialisée dans les souffrances au travail. Vous recevez des personnes confrontées au burn-out ou à d’autres problèmes liés au travail. Rappelez-nous ce qu’est le burn-out professionnel…

Le burn-out peut être lié au professionnel mais aussi au domestique, dans le cas par exemples de parents seuls s’occupant de jeunes enfants et de l’ensemble de la charge des responsabilités domestiques, ou de personnes s’occupant de parents ou enfants malades….Dans tous ces cas, c’est le poids de la charge psychologique qui accentue la fatigue physique, comme dans le burn-out professionnel.

Qu’entend-on par charge psychologique ?

On distingue la charge psychologique ou subjective de la charge objective de travail. La seconde désigne le volume ou l’intensité de travail (nombre d’heures de travail, pénibilité physique ou intellectuelle des tâches….). La charge psychologique constitue par contre le lien de sens entretenu avec son métier, sa fonction, son secteur professionnel etc. Ce dernier est la qualité de l’ajustement de son environnement professionnel avec ses propres valeurs personnelles.

Plus précisément ?

On trouve beaucoup de cas de burn-out autour de personnes très entières et intègres, aux valeurs personnelles fortement ancrées et qui sont bafouées au quotidien dans l’exercice professionnel. Le sentiment permanent de vivre à côté ou en rupture avec ses fondamentaux produit une tension interne chronique insupportable dans le long terme. C’est souvent les valeurs du travail, lorsqu’elles sont trop tournées vers des considérations administratives, politiques ou financières et donc trop peu humaines qui produisent cette rupture de sens…

D’autres facteurs explicatifs au burn-out ?

Oui. On retrouve souvent un décalage ou carrément une rupture entre les préoccupations plus abstraites du management et celles du personnel exécutant, plus concrètes et tournées vers le métier. Les principes de recrutement et de nomination des dirigeants amènent parfois à une méconnaissance du métier spécifique. Si un mépris réciproque s’installe de surcroît entre dirigeants et exécutants, on se retrouve dans le principe de plusieurs étages plus reliés par l’ascenseur… Dans ces cas, ce sont les cadres intermédiaires qui souffrent d’épuisement émotionnel et de perte de sens.

En réalité, c’est comme si le burn-out représentait un symptôme de l’évolution du travail ?

Exactement. Le burn-out est un syndrome qui rappelle des faiblesses de l’organisation du travail. Les entreprises privées et publiques peuvent prévenir ces faiblesses en agissant sur la qualité des pratiques en ressources humaines. On retrouve souvent en effet des lacunes de définition des fonctions et missions des travailleurs, des absences d’évaluation du travail ou des pratiques injustes de celle-ci, des systèmes hiérarchiques  trop autoritaires ou au contraire, laxistes... Les procédures (administratives, informatiques, de qualité…) lourdes sont aussi à revoir. Enfin, un manque cruel de stratégie d’ensemble au sein de la Direction générale est souvent un facteur central : le manque de cohérence ou d’exemplarité au sommet  de l’organisation se répercute souvent dans tous ses étages. Des managers et travailleurs peuvent alors à leur tour s’emparer de ces failles et installer des « gouvernements autonomes », augmentant ainsi les incohérences et dégradant les relations au travail.

Un autre sujet capital : la qualité des relations dans l’entreprise, les conflits ou les pratiques harcelantes… ?

Tout ce qui précède ne produit pas automatiquement du burn-out professionnel, si les travailleurs et dirigeants jouissent d’un climat professionnel détendu, juste et solidaire. Tout travailleur, exécutant, manager ou dirigeant, a besoin de reconnaissance professionnelle. Parfois, celle-ci ne vient que des clients ou bénéficiaires mais peut aussi carrément manquer.  Si l’atmosphère de travail se dégrade en plus, il arrive que travailleurs et dirigeants craquent. Le climat de travail constitue un facteur prépondérant. Là aussi, les administrations et entreprises ont intérêt à se saisir de ces problèmes.

Pourquoi ces problèmes de relations entre travailleurs sont-ils précisément souvent négligés ?

Pour diverses raisons. Souvent par habitude, mais ces habitudes sont aujourd’hui néfastes. Egalement par peur : comment traiter cette problématique de manière juste, sans trop d’émotions ni heurts ? Enfin, par manque d’expertise en gestion humaine : comment résoudre des différents humains, gérer des conflits ou des pratiques de harcèlement ?

Vous conseillez aussi les entreprises ?

Il existe un cadre règlementaire qui contraint les entreprises à prévenir et guérir les situations chroniques de stress professionnel. La loi ne précise toutefois ni les moyens, ni les actions. Nous intervenons comme experts externes dans les administrations et entreprises, pour conseiller les directions. Nous réalisons un « audit psychosocial » dans des situations humaines souvent fort tendues et fournissons des recommandations pour résoudre les problèmes. Les entreprises perdent trop d’argent, suite à des problèmes relationnels non solutionnés (absentéisme, départ précipité de personnel qualifié, pertes de motivation, grogne, pertes d’efficience, image dégradée, stress inutile, risques d’accidents, dégradation ou vol de matériel,….). Calculé ainsi, l’investissement est vite rétribué…

 

Sinon, vous recevez des travailleurs dans vos cabinets de consultation ?

Oui, de tous les métiers et secteurs professionnels. Des employés, ouvriers, mais aussi beaucoup de cadres et même, des chefs d’entreprise… Eux-aussi se retrouvent face à des problèmes de sens au travail ou, peuvent à leur tour être la cible de relations négatives. Personne n’est vraiment épargné.

Comment les aidez-vous ?

La première aide est de les comprendre, les écouter sans jugement ni a priori. La seconde, est de réaliser avec eux un diagnostic précis, appelé « différentiel » (burn-out, stress chronique ou aigu, conflit, discrimination, violence, harcèlement, … etc ). Quand une souffrance est identifiée, sa thérapeutique est déjà en cours. La troisième aide est de dégager avec eux des pistes d’améliorations, internes au travail puis externes. Enfin, dans certains cas, l’accompagnement prend une tournure plus personnelle encore, la personne cherchant à se comprendre dans son rapport au travail, à l’autorité, à l’argent… Cette partie du travail remonte alors à ses sources éducatives.